Jardiniers compétents et sans diplôme

Les entreprises, de par leur approche trop conventionnelle du recrutement, passent à côté de profils extrêmement intéressants, qui pourraient leur appor- ter beaucoup. C’est la conviction de Christophe Dunand, directeur général de l’entreprise Réalise. La collaboration que celle-ci a mise sur pied avec la section genevoise de l’association Jardin Suisse vise justement à proposer aux entreprises de jardinage des collaborateurs dont elles auraient probablement écarté le dossier, parce qu’ils manquent de diplômes ou de références. Quatre ans après le lancement du projet, Vincent Liermier, président de la section genevoise de Jardin Suisse,se dit ravi. Les candidats proposés par Réalise sont de très bon niveau. Lui-même en a engagé un dans son entreprise, Extérieurs 2000, qu’il estime excellent. «Mieux, on ne peut pas trouver», résume- t-il.

Comment réalise parvient-elle à proposer des excellents jardiniers, alors même qu’ils ne pos- sèdent pas de diplôme? Le chômage lui envoie des personnes à former. Elle les prend pendant quelques mois dans l’un de ses secteurs d’activité (blanchisserie et nettoyage, industrie, jardinage et entretien extérieur, logistique). Le secteur jardinage occupe ainsi en permanence vingt-cinq personnes. Elles se voient inculquer les bases de l’activité et réalisent de vrais mandats pour des clients – c’est ce qu’on appelle la formation par la pratique.

De 30% à 40% des personnes formées sont jugées aptes à retourner sur le marché du travail, parfois au prix d’une formation complémentaire – par exemple en français. Réalise cherche alors à les placer auprès des employeurs. Jusqu’en 2012, elle travaillait directement avec ces derniers, pour leur trouver des places de travail. Mais ses responsables se sont renducompte que les associations professionnelles pouvaient être des intermédiaires très précieux. Ils ont donc lancé un projet de collaboration avec Jardin Suisse- Genève, dont le président est très engagé dans la formation professionnelle.

Aujourd’hui, vingt entreprises de l’association participent au projet. Elles reçoivent des per- sonnes pour des stages d’évaluation d’un mois. Elles peuvent les engager si elles les jugent com- pétentes et qu’elles ont un poste à pourvoir.«Pour ma part,j’ai accueilli trois personnes», raconte Vincent Liermier. Le premier, qu’il a engagé, «a une qualité de travail exceptionnelle.Il avait des lacunes en français, qu’il a pu combler». Les deux autres étaient excellents, mais Extérieurs 2000 n’avait pas de poste à pourvoir à ce moment. Dans ce cas, l’entreprise donne un retour à Réalise et recommande le cas échéant les personnes à des confrères, de manière informelle. Ceux qui ont un poste à pourvoir peuvent également s’adresser à Réalise, qui s’efforcera de trouver une personne ayant les compétences requises. «Les autres entreprises ont éga- lement eu d’excellentes expé- riences», ajoute Vincent Liermier. «Dans l’une d’elles, une personne engagée par l’intermé- diaire de Réalise est devenue le bras droit du patron et aurait les compétences requises pour reprendre l’entreprise.»

La collaboration bénéficie à tout le monde: des personnes sans emploi retrouvent un travail, des entreprises ont accès à une source de main-d’œuvre de qualité de manière simple, les charges des collectivités publiques sont allégées et des postes de travail sont confiés à des locaux, plutôt que d’aller chercher des compétences à l’extérieur.

Quarante personnes suivies par Réalise ont retrouvé un travail dans le domaine du jardinage, dont la moitié à travers Jardin Suisse. Comment expliquer ce résultat? «Plusieurs facteurs sont déterminants», répond

Christophe Dunand. «Premièrement, nous avons une bonne connaissance des entreprises partenaires, de leurs activités et de leur organisation. Une personne qui s’intègrera très bien dans l’une pourra être moins à sa place dans l’autre. Deuxièmement, nous avons profité du soutien résolu de l’association professionnelle, de son président et de la secrétaire patronale, Nathalie Bloch. Nous avons notamment été invités lors de plusieurs assemblées afin de présenter notre collaboration. Enfin, nous avons pu nous appuyer sur les référentiels métier élaborés par Jardin Suisse pour la formation professionnelle, qui décrivent très bien les compé- tences que les jardiniers doivent développer.»

Fort de cette expérience, réalise est en train de développer des collaborations avec d’autres associations professionnelles, dans les domaines du nettoyage, de la logistique et de l’intendance. Pierre Courmion